vendredi 15 mai 2020

▪ Bilan Lecture Avril 2020 (partie 2) ▪ 7 Romans & Nouvelles


 
 
Bonjour bonjour, on se retrouve, un peu tardivement je l'avoue, pour la deuxième partie de mon bilan lecture du mois d'avril. La semaine dernière je vous ai déjà présenté 3 BD, mais comme vous allez le constater, ce sont surtout des romans qui m'ont animés le mois dernier. Il y en a sept, dans des genres littéraires vraiment très variés donc j'espère que certains titres vous donneront envie. Et comme d'habitude, n'hésitez pas à donner votre avis en commentaire ! Au programme du jour : de la résilience, de la philosophie, du love, quelques frayeurs mais aussi une touche de virus… Go, on embarque pour mes lectures d'avril.

 ♦ 1 V.O 
 
"Everything to live for" (2017)

"Everything to live for" de Turia Pitt
Voilà une lecture que j’ai clairement laissée traîner sur plusieurs mois. Le fait qu’il s’agisse d’un ebook et qu’il soit en anglais n'y est, il me semble, pas pour rien…Il s’agit du témoignage autobiographique de Turia Pitt, une jeune australienne qui s’est retrouvée attaquée par les flammes lors d’une compétition sportive. Il raconte notamment les circonstances de ce tragique accident mais également le parcours laborieux de reconstruction physique et psychologique qu’il a ensuite fallut à la jeune femme et ses proches pour le surmonter. Aujourd’hui, Turia Pitt est une femme inspirante qui partage son histoire sur les réseaux sociaux, dans des livres, mais aussi lors de conférences partout dans le monde. Malheureusement, à ma connaissance, ce livre n’a pas encore été traduit en français. Il s’agit d’une lecture en demie teinte me concernant. J’ai beaucoup apprécié toute la partie où l’histoire de Turia est racontée (il s’agit en réalité d’un roman autobiographique mais écrit à quatre mains, par la concernée et par une personne extérieure). A travers ces pages, on apprend comment elle a fait pour surmonter cette épreuve, alors que près de 65% de sa peau a été anéantie par le feu et qu’elle a frôlé la mort. Ce récit est donc forcément prenant et inspirant par sa dimension résiliente. En revanche, il est entrecoupé de chapitres entiers sur des données factuelles liées à l’organisme qui avait organisé cet évènement sportif qui a tourné au drame. Le livre est donc aussi une attaque envers les personnes responsables et déroule toutes les étapes et informations qui ont alimenté le procès médiatique intenté contre RacingThePlanet. Cette partie là occupe plus d’un tiers de l’ouvrage et m’a clairement moins passionné, j’ai même lu certains passages en diagonale… Au final je conseille donc plutôt de découvrir l’histoire de Turia à travers ses conférences qu’avec « Everything to live for ».


2 CLASSIQUES
 

"Huit-Clos" (1975)

« Huit clos » de Jean-Paul Sartre
Plongée maintenant dans les années lycées et le programme de philo. Au mois d’avril, Arte et Le Mock ont proposé un bookclub tous les dimanche soir, en live. J’ai donc participé à la première édition, qui tournait autour de la lecture de cet ouvrage. Il s’agissait en réalité pour moi d’une relecture, puisque je l’avais lu en terminale. C’est un classique, une pièce de théâtre d’une centaine de pages qui est ponctuée de réflexions philosophiques. Nous suivons l’histoire de trois personnages qui se retrouvent enfermés dans une même pièce après leur mort. Alors qu’ils se demandent pourquoi ils ont été réunis, le huit clos se fait de plus en plus oppressant et entame le début d’un Enfer qui n’a pas vraiment la forme à laquelle on se réfère habituellement. J’ai beaucoup aimé redécouvrir cet ouvrage et je vous le conseille vraiment si vous avez envie de vous initier un peu à Sartre ou la philosophie en passant par un ouvrage accessible. Voici également le lien du bookclub dans lequel l'œuvre est décortiquée : www.youtube.com/watch?v=KdtSvFSsHU4 .


"Le Chat Noir" (1843)
« Le Chat Noir » d’Edgar Allan Poe
Second classique dans ma liste d’avril, il s’agit cette fois d’une lecture effectuée en format audio. Ce n’est pas dans mes habitudes mais j’avais envie d’essayer. J’avoue que niveau concentration ce n’est pas ce que je préfère, car mon cerveau a tendance à vite bifurquer ailleurs en se laissant bercer par la voix. Mais là il s’agit d’une nouvelle d’une trentaine de minutes, qui peut facilement s'écouter en intégralité en une seule fois. Voici le lien de la vidéo pour ceux que ça intéresserait : www.youtube.com/watch?v=T7_9Fo5fhKY. « Le Chat Noir » est donc une nouvelle fantastique, qui date de 1843, dont le récit tourne essentiellement autour de la longue décente dans la folie du narrateur. Il s’agit d’un homme qui sombre dans l’alcoolisme et la violence, qu’il tourne vers sa femme, puis vers son chat Pluton. Quand il commence à s’en prendre physiquement à cet animal de compagnie, qu’il adorait jadis, il bascule véritablement dans une obsession et une perte de contrôle sans retour en arrière possible. Edgar Allan Poe nous délivre ici une histoire efficace et sombre qui m’a clairement donné envie d’en lire d’autres.
 
2 ROMANCES 

"Une dernière danse" (2018)


« Une dernière danse » d’Angie Deryckere
Ce roman est, sans aucun doute, celui que j’ai le moins apprécié dans cette sélection. J’ai eu accès gratuitement à cet ebook par le biais d’une box de lecture spécialement proposée pendant ce confinement. Il y avait un peu tous les genres littéraires, l'occasion donc de sortir de sa zone de confort livresque et de faire des découvertes. Malheureusement celle-ci n'en n'a pas vraiment été une bonne. Cette romance coche tous les clichés avec lesquels j’ai du mal et qui m’ennuient très rapidement, tant l’histoire est convenue et sans aucun suspense. « Une dernière danse » tourne autour du personnage de Teresa Mendez, une jeune femme qui a perdu toute sa famille dans un accident, et le prince McGraw, qui cherche une nouvelle gouvernante pour sa fille, avec qui il a des difficultés relationnelles. Evidemment, c’est notre héroïne qui va prétendre à ce poste et s’acquitter de la tâche particulièrement ardue d’essayer de réconcilier le père et sa fille. Tout va cependant se compliquer quand les sentiments vont se mêler à ce qui n’était initialement qu’un travail. Franchement ça s’annonçait comme les comédies sentimentales Netflix qu’on regarde à Noël. Mais ce qui aurait pu être une lecture sans prise de tête s’est avérée particulièrement agaçante à mes yeux, tant je n’ai pas réussi à m’attacher au personnage principal. Teresa passe tellement son temps à pleurer, que ce soit de tristesse ou de joie, que ça en perd toute crédibilité. Sincèrement je n’exagère pas, le champ lexical des larmes est présent à pratiquement chaque chapitre ! J’ai également trouvé que le retournement de situation dans  le positionnement et le caractère des personnages était beaucoup trop rapide, entachant encore une fois la crédibilité de l’histoire. Bref, ce roman n’a pas trouvé son public avec moi.




« Notre année trouble » de Sarina Bowen
Deuxième romance, qui tend à prouver que je ne cherche pas particulièrement à m’acharner contre ce genre littéraire puisque c’est plutôt une bonne surprise ! C’était également un ebook gratuit et, pour le coup, j’ai plutôt passé un bon moment en compagnie des personnages de cette histoire, qui se lit rapidement. Ce que j’ai trouvé le plus intéressant c’est que, pour une fois, le thème du handicap physique est abordé et concerne directement les deux héros. En effet, Corey Callahan se retrouve en fauteuil roulant après un accident grave de hockey. Alors qu’elle intègre l’université de Harkness, ce qui lui permet de retrouver une certaine autonomie loin de la surprotection de ses parents, elle se retrouve voisine d’Adam Hartley. Le jeune homme, également très sportif, commence l’année en béquilles et privé de sa passion suite à deux blessures à la jambe. N’ayant pas forcément accès aux activités classiques des autres étudiants et ayant retiré une certaine maturité de ces épreuves, les deux étudiants lient rapidement une forte amitié et se serrent les coudes dans leurs difficultés respectives. Bon, rien de très surprenant mais vous vous doutez bien que cette relation entre les deux va évoluer et apporter son lot de complications ! « Notre année trouble » n’est pas la romance la plus révolutionnaire et surprenante de l’année mais c’est plutôt bien écrit et sympa à lire.
 
♦ 1 THRILLER

« Pandemia » de Franck Thilliez 
« Le gouvernement sait très bien que la communication est à double tranchant. Si les gens prennent peur, c’est pire que s’ils tombent vraiment malades. D’un autre côté, s’ils ne se sentent pas concernés, ils ne prendront aucune précaution et le virus fera sa loi. »
Ok, ne me détestez pas, même si je viens de ressasser les mots maudits, que l’on voit passer en boucle aux informations et dans la bouche des gens depuis maintenant un mois et demi… Alors oui je sais, si vous avez vraiment besoin de vous changer les idées ou que vous avez une légère tendance à l’hypocondrie, ce roman n’est peut-être pas fait pour vous. Mais pour les amoureux des thrillers, des chapitres qui s’avalent avec frénésie et des enquêtes bien ficelées, « Pandemia » risque d’attiser votre convoitise. Ce titre a fait couler pas mal d’encre ces derniers temps, car Franck Thilliez a, en quelque sorte, anticipé, en 2015, une pandémie en France, avec toutes les conséquences sur la société que cela peut engendrer. A vrai dire j’avais peur que cela me semble trop redondant par rapport à notre actualité, mais en fait absolument pas. L’enquête est tellement passionnante et les personnes intriguants qu’on décroche vite de notre réalité pour rejoindre celle du Capitaine Sharko et de son équipe du 36 quai des Orfèvres. On suit également tout le travail des scientifiques de l’Institut Pasteur par rapport à leurs procédures et analyses des virus. En toile de fond : des meurtres qui s’accumulent dans des rituels morbides et une menace qui gronde au-delà de l’épidémie apparente. Comme d’habitude, je ne suis pas déçue par Franck Thilliez, son histoire est documentée d’informations réelles et ponctuée de références culturelles, ce qui enrichit considérablement son intérêt. C'est donc une très bonne lecture que je vous invite à découvrir. 

♦ 1 ROMAN
 
« Sale gosse » de Mathieu Palain
Je ne passe que brièvement sur ce titre car j’ai effectué une chronique complète sur ce roman, que vous pouvez retrouver dans cet article. Je ne connaissais absolument pas Mathieu Palain, cet auteur, qui signe avec "Sale Gosse" son premier roman. L'histoire qu'il raconte, c'est celle de Wilfried, un jeune qui subit, dès son plus jeune âge, le poids de son environnement familial. Placé dans une famille d'accueil, car sa mère ne peut pas s'occuper de lui, il se reconstruit petit à petit auprès de ces adultes aimants de substitution. Alors qu'un parcours professionnel dans le football se dresse devant lui, grâce à son talent et à son travail, tout bascule quand il décide de laisser s'échapper la colère qui dormait en lui. Il a 15 ans, et une suite d'évènements vient alors remettre en question ses repères et le replonger dans les failles liées à son histoire de vie. La délinquance lui tient alors les seuls bras qu'il est en mesure de saisir à ce moment là. Pourtant, Nina, une éducatrice de la Protection Judiciaire, croit en lui et ne compte pas lâcher ce jeune au potentiel certain. 
 
Voici donc mon bilan lecture du mois d'avril qui, comme vous avez pu le remarquer, était assez éclectiques. Et vous, quelles lectures ont animées votre confinement ?
 

samedi 2 mai 2020

▪ Bilan Lecture Avril 2020 (partie 1) ▪ 3 BD

Petite pause dans les romans, puisque je reviens, cette fois, avec une première partie de mon bilan lecture du mois d’avril. Confinement oblige, j’ai passé pas mal de temps à tourner des pages et à accumuler les découvertes littéraires. Focus donc sur des BD, puisque j’en ai découvert trois et, comme vous allez rapidement le constater, il s’agit uniquement d’avis très positifs que je vous partage aujourd’hui. Allez, au programme, un légume qui sert d’arme, un voyage historique en Afrique et un renard en galère, on embarque pour mes BD d’avril !


"Le Grand Méchant Renard" (2015)
« Le Grand Méchant Renard » de Benjamin Renner

Pour un bon moment de détente (de préférence avec un bon café un dimanche matin), je vous conseille sans hésitation cette BD de Benjamin Renner. Je la connaissais de nom mais, au vu de la couverture, je pensais qu’il s’agissait d’un ouvrage jeunesse et je n’avais de toute façon pas eu l’occasion de l’avoir entre les mains. Mais offre de confinement oblige, « Le Grand Méchant Renard » a été mis à disposition gratuitement au mois d’avril ! Je l’ai donc acquise en ebook, même si l’idée d’avoir les illustrations en noir et blanc ne m’enchantaient pas vraiment. Au final, j’ai oublié ce détail dès les premières pages, tant j’ai adhéré aux esquisses de l’auteur. L’une des principales bonnes raisons pour laquelle vous devez la lire, et pas des moindres : l’humour. Cette BD, au héros éponyme, suit les péripéties d’un renard qui est désespéré de ne pas être pris au sérieux en tant que prédateur. Ses apparitions fouineuses dans la basse-cour se terminent en déculottées pour lui et aucun animal ne semble lui accorder le crédit habituellement lié à sa race. Il décide donc de suivre les conseils du loup qui, lui, est respecté car il terrorise petites et grandes bestioles. Leur plan ? Voler sans état d’âme des poussins, qui deviendront plus tard un repas appétissant. Du moins, c’est ce à quoi ils aspiraient, avant que ce drôle de renard développe un instinct maternel envers ces bébés qui le prennent pour leur mère. Beaucoup de poésie, un dessin efficace et un scénario bourré d’humour, vous l’avez compris, tous les ingrédients sont réunis pour passer un agréable moment en compagnie de ces personnages animaliers. 


"Zaï Zaï Zaï Zaï" (2015)
« Zaï Zaï Zaï Zaï » de Fabcaro

On reste sur le registre de l’humour et du loufoque, avec cette fois une satire, qui est plutôt destinée à un public adulte. Là encore c’est une découverte totalement inattendue, une BD prêtée par une collègue pour animer l’une de nos soirées de travail. Je ne connaissais absolument pas Fabcaro mais cette première lecture m’a clairement donnée envie de découvrir ses autres ouvrages. Cette BD suit l’histoire d’un auteur qui se retrouve à la caisse d’un supermarché sans avoir sa carte de fidélité. Face à cette écrasante tragédie, il n’a d’autre choix que de menacer le vigile avec un poireau. S’ensuit une course-poursuite à travers le pays, qui va défrayer la chronique et alimenter tous les commérages ! Alors oui je sais, dit comme ça ce n’est peut-être pas engageant car on se dit juste « WTF.. ? ». Mais en réalité tout ce scénario improbable vient révéler des vérités édifiantes sur la société et les différents personnages qu’on peut y retrouver. Le côté absurde vient finalement dédramatiser les situations que l’on peut croiser au quotidien, tant cette caricature les rend grotesques et finalement pas si éloignées que cela de la réalité. Un chouette ouvrage, pour lequel je n’ai regretté que le format car il se lit très rapidement (moins d’une demie heure) alors qu’on aimerait en avoir plus. Je vous invite d’ailleurs à me partager en commentaires vos recommandations par rapport aux autres BD de Fabcaro car je compte bien en lire d’autres de cet auteur.

"Morts par la France" (2018)
"Morts par la France" de Patrick Perna et Nicolas Otéro

On bascule maintenant sur un tout autre registre puisque, cette fois, il s’agit d’un récit historique. Il s’agit d’une BD de 2018 qui a, elle aussi, été mise à disposition gratuitement en format ebook ce mois-ci. « Morts par la France » retrace un fait qui a marqué l’Histoire, sans toutefois y laisser la trace que sa gravité lui incombe. En effet, en décembre 1944, des soldats français éliminent des centaines de tirailleurs sénégalais au camp de Thiaroye, en périphérie de la capitale. Les victimes revenaient de quatre années de captivité dans le cadre de leur mobilisation auprès de l’armée française. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ? Quelles motivations ont bien pu pousser ces militaires à les éliminer froidement ? Pourquoi les archives semblent avoir maquillé ce qui apparaît comme un véritable crime d’Etat ? Ce sont toutes ces questions qu’une historienne, Armelle Mabon, va se poser et qui vont marquer le début de plus de vingt ans de recherches… Cette BD aborde donc un sujet bien précis, dont toute la force repose sur la véracité et la documentation, preuves à l’appui. Pour ma part je n’avais absolument jamais entendu parlé de Thiaroye, ni de quoi que ce soit qui aurait pu s’en rapprocher. Malgré que je ne sois pas une grande passionnée d’Histoire, j’ai été très sensible à ce format en BD, qui permet de la rendre facilement accessible. Les illustrations et l’histoire romancée m’ont permis de mieux digérer toutes les informations historiques qui nous sont données. On ne peut ressortir de cette lecture qu’en éprouvant une certaine colère et de profondes interrogations quant aux erreurs et décisions dramatiques qui ont été commises. Elle vient également nous interroger sur la pertinence du travail de mémoire mais aussi de ses risques quant aux déformations potentielles engendrées par la transmission.

Ce sont donc les 3 BD qui m’ont accompagnée pendant ce premier mois de confinement. J’espère que ces belles découvertes vont vous donner envie de les lire à votre tour. J’attends, bien évidemment, en commentaires, vos avis sur ces différents ouvrages, mais aussi vos lectures du moment, si vous en avez. Et on se retrouve très vite pour un prochain article dans lequel je vous présenterai, cette fois, les romans que j’ai lus au cours de ce mois d’avril. Bon week-end à tous !

lundi 13 avril 2020

"Sale gosse" de Mathieu Palain


"Leur faire entendre qu'en rentrant dans le rang ils éviteraient la taule ou le cimetière, c'était comme crier dans le désert. A quatorze ans, la mort, ils n'y croyaient plus."


Pour ce nouvel article, on reste dans la thématique du précédent, sur l'adolescence et la délinquance. Cette lecture est une surprise totale car il s'agit d'un livre qu'on m'a offert à Noël dernier. Heureusement, j'ai un entourage qui me connaît bien et qui n'est pas tombé à côté de la plaque avec cet ouvrage ! Et pour cause, il y est question de travail social, de parcours chaotiques et de rencontres qui peuvent changer le cours d'une vie. 

Je ne connaissais absolument pas Mathieu Palain, cet auteur, qui signe avec "Sale Gosse" son premier roman. L'histoire qu'il raconte, c'est celle de Wilfried, un jeune qui subit, dès son plus jeune âge, le poids de son environnement familial. Placé dans une famille d'accueil, car sa mère ne peut pas s'occuper de lui, il se reconstruit petit à petit auprès de ces adultes aimants de substitution. Alors qu'un parcours professionnel dans le football se dresse devant lui, grâce à son talent et à son travail, tout bascule quand il décide de laisser s'échapper la colère qui dormait en lui. Il a 15 ans, et une suite d'évènements vient alors remettre en question ses repères et le replonger dans les failles liées à son histoire de vie. La délinquance lui tient alors les seuls bras qu'il est en mesure de saisir à ce moment là. Pourtant, Nina, une éducatrice de la Protection Judiciaire, croit en lui et ne compte pas lâcher ce jeune au potentiel certain. 

"Le foyer, c'est le cinéma, et le milieu ouvert, la photographie. Un film, tu le vis à je ne sais combien d'images par seconde, et l'histoire t'embarque. La photo, elle reste figée, mais à force de la regarder, tu perçois les détails, le second plan. Le milieu ouvert, c'est ça : tu as l'impression d'avoir perdu le contact, alors qu'en fait tu as pris du recul pour comprendre ce que tu regardes."

Ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, sans nul doute, c'est son réalisme. Le contexte de travail des éducateurs de la PJJ, les parcours des jeunes qu'ils accompagnent, sont criants de vérité. En lisant ces pages, j'avais vraiment l'impression d'être au travail. Mathieu Palain ne cherche pas à l'idéaliser ni à épargner le lecteur par rapport à la réalité de ces personnages, qu'on pourrait aisément croiser dans nos accompagnements éducatifs. Pour cela, l'auteur s'est largement inspiré du vécu de son père, lui même éducateur, et de sa propre immersion de six mois au sein de la PJJ d'Auxerre. 

Cet ouvrage se dévore très rapidement et est très accessible. Pour être tout à fait honnête, habituellement je n'aime pas trop les livres avec un langage "parlé" et des termes très familiers. Mais ici, le style littéraire employé est maîtrisé et renforce le réalisme des scènes racontées et des personnages. Ce choix me semble au contraire très intéressant car je pourrais tout à fait imaginer faire lire "Sale Gosse" à un adolescent au même profil que Wilfried. A mon sens, ce livre peut donc servir de support professionnel, dans notre métier, et venir alimenter nos réflexions éducatives. Il peut même venir réveiller des vocations chez certains, qui sait ? ;)

"L'avenir, vous pouvez le prendre par tous les bouts, face à un gamin de seize ans qui a décidé de vivre au jour le jour, c'est un mot qui ne veut rien dire."

Pour plus de recommandations de lecture en lien avec le travail social, je vous invite à consulter ma rubrique consacrée à cet effet. N'hésitez pas à donner votre avis en commentaires :) 

mercredi 8 avril 2020

3 films / 1 thème ■ Adolescence & Délinquance ■


"La Haine"

Il y a plus d'un an, je vous avais fait un article sur "3 livres / 1 thème : Enfance et Violence". C'est un sujet qui m'intéresse tout particulièrement et qui est régulièrement abordé, que ce soit dans la littérature ou le cinéma. Dans la suite logique, j'ai donc décidé aujourd'hui de vous présenter trois films qui m'ont particulièrement marqué et qui me paraissent pertinents au sujet de l'adolescence et de la délinquance. Je précise tout de même que, loin de moi l'idée de faire des amalgames en les associant. Ces deux notions ne sont pas intrinsèquement liées mais il est vrai qu'elles véhiculent tout un tas de fantasmes, alimentés largement par les médias et l'opinion publique. Des raccourcis sont rapidement faits sur la montée de la violence chez les jeunes, l'augmentation des délits ou encore l'impunité de la justice des mineurs. Pourtant la réalité est bien plus complexe et moins sensationnelle que ces idées clamées haut et fort. A ce sujet, je ne peux d'ailleurs que vous inviter à lire Laurent Mucchielli, qui décortique très bien ce phénomène. Il a notamment rédigé cet article sur : "L'évolution de la délinquance des mineurs. Données statistiques et interprétation générale". Toutefois, étant éducatrice, je trouve cela passionnant d'étudier les mécanismes à l'œuvre, tant sur le plan psychologique que sociétal, qui mènent à un acte délinquant. C'est donc vers cette réflexion que je vous emmène aujourd'hui avec ces trois œuvres cinématographiques. 


Film "La Haine (1995)


On commence avec un classique. La nouvelle génération n'a peut-être pas la référence, car "La Haine" est sorti en 1995. Il a été réalisé par Mathieu Kassovitz et porte en tête d'affiche Vincent Cassel, qui joue le rôle de Vinz. Accompagné de ses deux acolytes, Saïd et Hubert, il vit son quotidien dans une cité populaire de région parisienne. Suite à une bavure policière, blessant gravement l'un de ses habitants, des émeutes éclatent, auxquelles le trio participe. La haine envers la police grimpe alors d'un cran, entraînant les jeunes sur un chemin dont ils vont perdre peu à peu le contrôle. Ce film est clairement culte, tout autant que sa citation la plus connue : "C'est l'histoire d'un homme qui tombe d'un immeuble de 50 étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : "Jusqu'ici tout va bien… Jusqu'ici, tout va bien… Jusqu'ici tout va bien… Mais l'important c'est pas la chute, c'est l'atterrissage."



Film "La Tête Haute" (2015)
On se rapproche dans le temps cette fois, avec le film "La Tête Haute", qui date de 2015 et a été réalisé par Emmanuelle Bercot. On va y suivre le long parcours chaotique de Malony, un jeune confié à la Protection de l'Enfance par une Juge des Enfants. Sa mère cumule les problématiques : addictions, carences éducatives, instabilités… De ses 6 à 18 ans, Malony va alors être balloté d'institution en institution. Plus il grandit et plus sa violence monte, il s'engage alors dans un parcours délinquant. Florence, la juge qui le suit depuis le début, tente tant bien que mal de lui insuffler l'espoir qu'elle a en lui. Son éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse est lui aussi bien déterminé à réinscrire Malony dans un chemin qui lui permettra de relever la tête. Un film percutant, qui montre les failles du système de l'Aide Sociale à l'Enfance mais qui m'a aussi semblé parfois utopique sur la relation entretenue entre la juge et le jeune.

Film "Les Misérables" (2019)
Enfin, j'achève ce thème avec un film qui a beaucoup fait parler de lui en 2019 : "Les Misérables". Le réalisateur Ladj Ly nous embarque en pleine banlieue de Seine-Saint-Denis, là où il a lui même grandi. Le point de vue est cette fois-ci tourné du côté de la police, avec en personnage fil rouge, Stéphane, la nouvelle recrue de la BAC. Face à lui et ses collègues, "les microbes" passent leurs journées entre désœuvrement et petits délits dans leurs cages d'immeubles. La précarité y est palpable, la violence omniprésente et le racisme policier quotidien. Face à ce cocktail détonnant, les deux côtés essaient de survivre tant bien que mal, mais l'animosité ne cesse de grimper. Entre guerres de clans, insultes, provocations et pressions hiérarchiques, il ne suffira que d'un instant d'inattention pour faire exploser la poudrière. Ce film m'a clairement marqué et j'ai eu du mal à ré-émerger après la dernière scène. Il est particulièrement intéressant du fait qu'il adopte deux points de vue : celui de la police et celui des jeunes, sans en privilégier l'un plus que l'autre.


Voici donc les trois films qui m'ont le plus inspiré sur ce thème adolescence et délinquance. Mais il en existe beaucoup d'autres. Je vous invite donc à partager en commentaires d'autres titres et n'hésitez pas également à donner votre avis sur ceux que j'ai présenté.

vendredi 3 avril 2020

"Le bonobo, Dieu et nous" de Frans de Waal


"Nous, les humains, nous étions tout à fait moraux quand nous errions encore par petites bandes dans la savane. Ce n'est que lorsque l'échelle de la société s'est mise à croître et les règles de la réciprocité et de la réputation à s'affaiblir qu'un Dieu moralisateur est devenu nécessaire."


Aujourd'hui, je reviens sur la dernière lecture que j'ai (enfin) réussi à achever au mois de mars : "Le bonobo, Dieu et nous". Un essai au titre intriguant mais pour autant révélateur, puisque Frans De Wall nous emmène à la recherche de l'humanisme chez les primates. Qu'est ce qui pousse un chimpanzé à en réconforter un autre ? Pourquoi des éléphants vont-ils s'entraider pour réaliser une tâche individuelle ? Quelles motivations vont avoir les bonobos à partager leur nourriture avec leurs pairs ? Fort de ces longues années d'expérience auprès des animaux, le primatologue appuie ses théories d'un nombre incalculable d'exemples qu'il a pu constater de lui même sur le terrain. Il nous renvoie ainsi à l'intelligence souvent sous-estimée des animaux, mais aussi à la modestie dont nous devons faire preuve en tant qu'être humain. 

"L'apport principal de la religion n'est peut-être pas de nous amener à accomplir des actes que nous ne ferions pas sans elle, mais d'avaliser et de promouvoir certaines tendances naturelles."


Personnellement, je trouve cela passionnant d'essayer de comprendre où et comment ont émergé nos valeurs morales actuelles. Comment ont-elles évolué avec le temps et pourquoi certaines d'entres-elles sont universelles ? Quelle place la religion occupe-t-elle dans la morale humaine et quelle est réellement sa fonction dans la société ? Ces questions n'en sont que quelques une parmi des dizaines que l'auteur nous invite à considérer. Il nous délivre son opinion sans faux-semblants, n'hésitant pas à tacler au passage quelques scientifiques croisés au cours de sa carrière. 


"On en croirait presque à la "théorie argumentative", qui soutient que le raisonnement humain n'est pas né de la recherche de la vérité mais de la volonté de briller dans la discussion."


Ce que j'ai le plus aimé c'est l'approche vraiment complète avec lequel l'auteur aborde le sujet. Bien que son métier tende à une analyse scientifique, Frans De Waal s'intéresse en réalité à de nombreuses disciplines. Loin de s'en tenir à la primatologie, il nous plonge parmi les grandes œuvres des philosophes, peintres, politiques, écrivains, psychologues etc. Il y a donc un nombre impressionnant de références culturelles. J'ai également apprécié les quelques illustrations dont l'auteur a agrémenté ses pages. Qu'il s'agisse de dessins de scènes de vie des bonobos, de tableaux d'art célèbres ou de schémas scientifiques, là encore il y a une diversité intéressante dans le contenu. 
Ce n'est toutefois pas une lecture "détente", dans le sens où elle exige quand même une certaine concentration pour suivre le fil de la pensée de l'auteur et des concepts qui peuvent parfois être complexes. C'est un essai de tout de même 327 pages. Pour ma part j'ai donc mis un certain temps à le lire car il fallait digérer les informations et je n'arrivais clairement pas à me faire dix chapitres d'affilé. Je n'ai toutefois pas été déçue de cette lecture car elle m'a apporté beaucoup en terme de réflexion. 

"C'est une idée fascinante de se dire que l'humanité a peut-être pris en main elle-même son évolution morale, et obtenu que, dans notre espèce, de plus en plus d'individus soient prêts à se soumettre aux règles."

C'est un livre qui nous stimule intellectuellement et qui nous pousse à nous poser des questions sur le monde qui nous entoure. Frans De Wall m'a d'ailleurs donné envie de lire un autre de ses ouvrages au titre accrocheur "L'âge de l'empathie - Leçons de nature pour une société plus apaisée". 


Connaissiez-vous Frans de Waal ? Avez-vous des livres à conseiller sur des sujets similaires ? N'hésitez pas à échanger et partager dans les commentaires ;)

samedi 28 mars 2020

"Le Signal" de Maxime Chattam



"Je ne suis pas convaincu que d'expliquer au monde entier que les morts sont juste de l'autre côté du miroir et attendent d'être libérés soit plus prudent. Les plus grandes tragédies de l'histoire ne sont-elles pas apparues lorsque la masse a eu le plus peur ?" 


Ce matin je viens de fermer la dernière page de ce roman et wow... comment vous dire ? Cela faisait longtemps que je n'avais pas été autant transportée par un thriller. Pourtant je suis une adepte de Maxime Chattam, dont la précision de la plume me fait à chaque fois vibrer. C'est même grâce à lui que j'ai été initiée aux thrillers, il y a 9 ans, avec "L'âme du mal". En même temps, en parallèle de l'écriture, cet auteur a suivi des cours de criminologie, autant dire qu'il maîtrise son sujet. Il n'a pas son pareil pour décortiquer les corps, écorcher nos yeux de lecteur et faire surgir des images insupportables, à la seule force de ses mots. C'est clairement l'un de mes auteurs favoris dans ce genre littéraire. Néanmoins, je l'avais un peu mis de côté, pendant quelques temps car, à trop le lire, je finissais par avoir un sentiment de répétition. "Le Signal" est l'un de ses derniers romans, paru en octobre 2018. Il nous emmène cette fois sur le versant du paranormal, ce qui a clairement attisé ma curiosité. Bien que je n'ai pas spécialement de croyances à ce sujet, j'aime ce que la culture en a fait. Pour autant, jusqu'ici je l'avais surtout expérimenté à travers des films, reportages et séries. Quand j'ai vu que Chattam s'était emparé du sujet, je ne pouvais décemment pas passer à côté. J'étais pourtant assez sceptique en lisant le résumé et en entamant le livre. 

La famille Spencer, à la situation plutôt confortable à New-York, décide de tout plaquer pour s'installer dans une vieille ferme rénovée à Mahingan Fall. Leur nouvelle vie paisible va pourtant prendre une toute autre tournure lorsque des manifestations inexplicables vont peu à peu prendre place entre leurs murs. En parallèle, meurtres atroces, cris inhumains sur les radios et vieilles légendes ne cessent de s'accumuler dans cette petite ville de la Nouvelle-Angleterre. Les ombres se rapprochent. Jusqu'où iront-elles ? 

"Pour se rassurer, il ne cessait de se répéter que l'explication serait risible, à mille lieues des spectres de sa volonté, sans qu'il ait la moindre idée de ce que ça pouvait être, sinon un improbable tour de passe-passe psychotraumatique lié à l'histoire de sa maison."

Maxime Chattam nous embarque donc dans une ambiance qui m'a fortement rappelé "Ça" de Stephen King et la série "The Haunting of Hill House". Malgré un scénario qui s'annonçait plutôt convenu et prévisible - une petite famille tranquille qui emménage dans une maison hantée, on connait le topo - il a réussi à me surprendre et à innover au fur et à mesure des pages. C'est un bon pavé, de près de 900 pages, mais il se lit très facilement et, une fois accroché, à l'histoire il est difficile d'en détourner le regard. On s'attache inévitablement aux personnages, qui luttent désespéramment contre des événements qu'ils ne maîtrisent absolument pas. Et de ce côté là, Maxime Chattam est clairement impitoyable avec eux. On se prend à rêver d'une happy end. Mais, à Mahingan Fall, cela n'est pas une option. J'ai aussi beaucoup aimé les messages que l'auteur laisse passer, subtilement. Entre quelques apparitions paranormales, il nous glisse des propos féministes, nous invite à questionner la religion ou encore interroge le poids de nos croyances sur l'interprétation de l'histoire. C'est donc un très bon thriller que je vous recommande fortement, si vous avez le cœur bien accroché et êtes avides de frissons au milieu de la nuit, bien entendu... 

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Et maintenant, dites moi, quel roman vous a fait le plus peur dans votre vie de lecteur ?